Féminisme et liberté en milieu noir

Article : Féminisme et liberté en milieu noir
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30 décembre 2023

Féminisme et liberté en milieu noir

En tant qu’entité féminine noire vivant en Afrique centrale, au Cameroun, il y’a très souvent une crainte impulsive d’exister en marge, de cheminer en décalage de la société et de s’insurger contre certains préceptes phallocrates et désuets qui sont véhiculés.
Il y’a une difficulté à vivre loin des ornières encombrantes, à l’ombre d’une réalité équivoque de notre terroir, dans des sentiers isolés que personne n’exhorte et d’ailleurs même blâme.
Mais avoir des perceptions profondes qui nous apparaissent certainement claires et formelles, nous permet de nous émanciper de la peur. Au fil des ans, on devient assurés dans ce qui se révèle à nous comme un désir exubérant et légitime d’aparté, de contradictions fortes, de vie féministe et libre.

Le fardeau de la différence

Quand on a toujours vécu avec l’accusation d’être trop différent, avec le reproche permanent de se faufiler hors des valeurs ancestrales, on se rend coupable de nos idéaux perçus violemment et jugés aussi loufoques que la machination sexiste de toutes les communautés du pays.

On porte le tort de notre incapacité à nous aligner sur des voies édictées.
On vit dans le sentiment lancinant de la trahison. On suffoque de feindre à chaque fois une approbation de certaines habitudes. On s’altère l’esprit à vouloir comprendre cette idée de vie adulte centrée sur le foyer, le devoir conjugal et la soumission, apparaissant trop unanime et simplette pour être adoptée sans réflexion. Surtout pour une femme.

Mais à l’usure du temps, avec une dévotion pour nos propres accomplissements, et une lucidité qui dément toute prétention trop moderne et condamnation de nos actes féministes, on obtient la confirmation que notre environnement nous détient un peu cruellement en captives et renégates, quand on nous rabâche des injonctions asphyxiantes, pesantes et obsolètes.
Et on parvient à élucider que notre bonheur ne dépend que de notre détermination à identifier ce qui nous convient. Puis naturellement, ce qui se forge comme convention singulière à notre identité innée devient notre seule utopie.

Traditions et obsessions séculaires

Par notre milieu direct qui nous le fait comprendre chaque jour un peu plus, on s’aperçoit que vivre sans correspondre aux atouts nécessaires à une femme est dommageable.
On deserre le lien sociétal qu’on désavoue progressivement sous l’imposture des mœurs qui nous empoignent.

Est-ce une question de géographie liés à des normes sociétales encore très figées et trop aliénables ? Ou est-ce nous qui pourrions cultiver des aspirations étrangement malvenues ? C’est à ce point cuisant, qu’on se questionne chaque jour et se motive sur l’importance de s’affirmer pour soi, en dehors des codes.

En milieu noir, on n’est pas ce qu’on veut être sans tenir compte des autres, de la société, de sa communauté. Qu’on soit un homme et particulièrement une femme, on appartient à sa famille. On doit être le reflet assidu d’une vision globale et normale de leur volonté. On devra faire ce qui semble transparaître comme légale et de connivence avec les principes légendaires transmis.

C’est d’emblée correct de se marier à un certain âge et de faire des gosses. À la trentaine, c’est dangereux de trouver une jeune femme qui traînerait le pied pour se caser et refuserait la maternité.
La matrice première de notre société africaine ce sont la famille et les enfants. Ils apparaissent comme un accomplissement fructueux, une finalité implacable afin de marquer l’étape cruciale et réussie du chemin d’un homme et d’une femme.

Très peu sont ceux qui transgressent volontairement cette voie. La mentalité noire fonctionne de manière intransigeante avec ce schéma de procréation inéluctable. Et pire encore, quand il est admis qu’une maternité plurielle est celle qui enchante davantage et retentit brillamment chez une femme.

Hiérarchie familiale et patriarcat

L’emblème rayonnant des foyers africains est le patriarcat. Dans les chaumières, la hiérarchie familiale s’edifie essentiellement autour du chef de famille, qui est le père et mari. Il détient les pouvoirs et assène son autorité inébranlable. La femme est vue comme la gardienne des lieux et de la progéniture. Elle intervient en seconde position et s’assure du bon fonctionnement de la maison et du bien-être de chaque membre.

Loin d’être repoussante, cette configuration interne est entachée par l’abus et les outrages majeurs dont fait montre le chef de famille. Car de cette souveraineté confiée au père, se juxtaposent très souvent des brimades et coups qui s’abattent sur la femme et les enfants. Les femmes sont les premières à être mises en danger dans une union maritale. Les violences conjugales sont le miroir de cette vision traditionnelle du couple.

En Afrique subsaharienne, 41% des femmes sont battues par leurs conjoints dont 65% en Afrique centrale. Un traitement qui est dû à l’exagération des pouvoirs et l’éducation phallocrate transmis dans les foyers à chaque génération.
Il y’a une conservation d’une idée de supériorité masculine qui convie la femme à se rabaisser et subir ces injustices sexistes et sexuelles.

Au Cameroun la loi ne criminalise pas proprement dit les violences ni le viol conjugal. Et on en arrive à perpétrer dans le pays la chaîne des féminicides qui gangrènent le pays sans que cela n’alerte gravement l’opinion publique.

Féminisme et émancipation en milieu noir

Le féminisme apporte une certaine solution à des problèmes de société liés au contrôle du corps et de la volonté des femmes. Se dire féministe ce n’est en aucun cas vouloir dominer à notre tour les hommes. Les sociétés matrilinéaires datant de la période précoloniale, montrent bien que les femmes s’organisaient sans vouloir écraser ou imposer leur règne.

Le féminisme apporte aux femmes les savoirs qu’il leur manque pour définir leurs besoins sans que rien ne leur soit réglementé. C’est aussi vivre l’égalité dans leur chair de femmes libérées des diktats et détenir les mêmes avantages que les hommes. Même si biologiquement et physiquement la nature n’a pas fait pareil les deux genres, il est nécessaire pour les femmes de convoler en justes prérogatives et de briguer des aspirations en dehors des carcans qui leur dépeignent un avenir obscurantiste et limité.

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