Rêve d’exil d’une condamnée

Article : Rêve d’exil d’une condamnée
Crédit: Vinso /Creative Commons
19 mars 2022

Rêve d’exil d’une condamnée

Il n’y’a que très peu de choses que j’aime en ce territoire. À cause de ces gènes lugubres liés à cette terre, j’ai cette haine et cette colère accrue, de n’être pas pleinement accomplie. Chaque jour qui passe ressemble de plus en plus à un enterrement. De ce manque d’implication grandissant, à ces gestes instinctifs de déconnexion. Tout dans mon univers s’effondre comme un château de carte aux socles mensongers. Ce sentiment d’être sans cesse détestée et rejetée lors de vifs élans d’expression contraire à ce que les miens m’imposent, me jalonne au creux de mes multitudes vagues à l’âme. Heureusement ils ne resteront miens qu’uniquement par le sang, jamais par l’esprit. Perchée dans une tour solitaire où seule ma vision décalée me détache de l’ennui, j’espère mon envol. Quitter cet espace réduit à des conventions sociales étouffantes, agite chaque parcelle de mon être. Et le seul fait d’exister de cette manière, me réserve à chaque fois des montagnes de tristesse. Je ne pourrais plus vivre ainsi. J’ai besoin de partir. Partir et ne jamais revenir. Je veux fuir ce réel qui m’encombre et m’obscurcit, échapper à ce quotidien flagellé par chacune de leurs prouesses sauvages et imbéciles.

J’ai besoin de lever le voile sur cette part d’ombre qu’ils ont dardée sur moi. J’ai besoin de laisser jaillir la jeune prodige qui sommeille entre ces forêts, ces savanes, ces sables et ces dunes. Cette rebelle qui rêve de s’émanciper de ce carcan insipide, soumis, second, invalide, et improductif. J’ai besoin de voir du monde, de m’entourer de gens de la même perception que moi. Des personnes aussi libérées et solaires, qui dépravent toutes les règles aberrantes sans hésitation, et qui ici s’achemineraient loin de ces traditions et attitudes inhibitrices qui n’apportent que schizophrénie et perte de soi. Je veux mourir pour renaître parmi ces autres-là. Ces faiseurs de richesse. Ces possesseurs de beauté, d’ingéniosité. Ces détenteurs de pouvoir, de savoir. Ces bâtisseurs de gloire et de prospérité.
J’ai besoin de vivre parmi les plus appréciés, les moins écervelés, car telle est ma place. Sans honte et remplie d’arrogance, sans pudeur et remplie de médisance, sans humiliation et remplie de trahison je me confesse: je hais d’où je viens. Cette filiation sordide à l’étroitesse d’esprit me fige, cette appartenance tacite au rang de stigmatisés m’afflige.

Ces écorchures à l’âme me rappellent uniquement combien je suis courbée, affaissée, prise au piège tels ces barbares jadis enchaînés comme des chiens. Ô misère du continent archaïque, qui entretient des raisonnements primaires dont cette terre qui m’ensevelit ne veut se départir.
Mais voici que pour moi sonne le glas de ces années perdues à demeurer incomprise et incomplète. La rupture est proche. Pas de celle qui initie un conflit d’émancipation pour échapper à ces autres-là. Ceux que les miens adulent et méprisent en secret, servent et critiquent en retrait. Ceux que les miens trouvent réfléchis à excès et dotés de cette sensibilité libertaire post-moderne qui prête au chaos. Loin de moi ces idées crétines de vivre libre sans eux. Il n’y est point de détachement possible…

Étiquettes
Partagez