Thomas Wiesel, Marina Rollman : quand humour et intelligence s’imbriquent comme des legos

Article : Thomas Wiesel, Marina Rollman : quand humour et intelligence s’imbriquent comme des legos
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15 avril 2021

Thomas Wiesel, Marina Rollman : quand humour et intelligence s’imbriquent comme des legos

S’il y’a quelque chose qui m’attire énormément chez les gens, c’est bien leur côté drôle. Quoi de mieux que se fendre la poire devant des anecdotes bien ficelées qui égaient votre âme, vous dérobent à l’épuisement d’une journée de travail intense et vous propulsent dans un moment de détente inespérée ?
Oui je raffole de blagues, de vannes, de calembours, surtout quand elles sont raffinées. C’est à dire justes, bien placées et ce grâce à des propos adroits, sans superflu ni incongruité.

Des humoristes talentueux j’en ai balayé une foultitude, de Paul Mirabel à Shirley Souagnon en passant par pleins d’autres, tous autant plus funambules avec les mots. Mais à mon avis, il n’y’a que deux personnes qui ont précisément le don naturel de fines prouesses verbales. Et donc, le ticket gagnant revient à la Suisse avec ses deux perles : Thomas Wiesel et Marina Rollman.

La Suisse a ses incroyables talents

Prodige de l’analyse à l’immédiat, Thomas est un expert de la réinterprétation en dérision de l’information. Ses sketchs se concentrent pour la plupart sur la politique et les faits de société marquants. Il exhibe sa grande maîtrise de l’actualité dans le monde tout en dévoilant les revers de chaque titre, chaque situation faisant la une des médias. Sa matière première, comme il l’avoue, c’est l’information. Informations dont il a l’art de remettre en question la conjoncture en lisant entre les lignes ce qui aboutit à une parfaite reformulation, d’autant plus cinglante que pertinente.

Il nous gratifie toujours sur youtube d’une gestuelle assez particulière en se tortillant le corps signe qu’il est très à l’aise dans ce qu’il dit, un peu trop même. Et à ce propos, ses vidéos sur la plateforme, ont été les premières révélatrices du génie de cet humoriste réputé de la scène du Montreux Comedy, et qui a eu sa drôle d’humeur sur France Inter.

Marina Rollman, ce qui la caractérise elle, c’est bien son humour assez abrupt, très direct mais tout en subtilité. Elle est capable de mêler assez gracieusement un langage grossier à un autre plus poli. Mais à côté de cette joyeuse particularité, on a affaire a une femme très cultivée dont les références dans chacun de ses paragraphes vocaux vous ramènent systématiquement à un évènement, une date, ou mieux, une chute inopinée en fin de discours.

Ces deux phénomènes sont des Atlas de l’humour. Ils possèdent toujours des phrases qui n’échappent pas à votre vigilance et ne manqueraient donc pas de vous rappeler un fait politique, social ou culturel. Cette agilité dans l’art de la cohésion des propos, est une dynamique presque facile à réaliser pour eux.

Thomas ou l’espiègle du débriefing

Que ce soit pour critiquer les agissements du président français, recadrer les pessimistes du port du masque, ou alors remettre à jour certaines croyances et attitudes sur le port du voile,Thomas ne se prive pas d’user de tous les rapprochements utiles.

Ses meilleurs débriefs remontent à l’apparition de la crise sanitaire où on l’a vu plus qu’incisif.
Lors d’une visite d’Emmanuel Macron en mai 2020 dans une école primaire de Poissy, Thomas s’est chargé de charcuter chaque geste et mot du président français. Son attitude désastreuse en portant son masque, ses questions embarrassantes à de jeunes enfants ou encore ses réponses vaseuses quand à la gestion de la crise, n’ont pas laissé Thomas sans répliques. En plus de la phrase la plus marquante de notre humoriste de génie, qui disait tout haut ce que pense tout bas le peuple : notre inquiétude est que le gouvernement profite de la crise sanitaire pour empiéter sur nos libertés individuelles de manière permanente, et qu’il utilise le plan de relance pour investir massivement dans les industries polluantes.

La laïcité, le port du voile dans l’espace public sont des sujets qui sont autant d’actualité qu’il y’a 4 ans où Thomas s’évertuait dans une de ses chroniques, à critiquer l’interdiction du voile. Les arguments en faveur de cette interdiction et dont il se revulse à savoir l’intégration, l’asservissement ou encore la lutte contre le terrorisme, ne sont pour lui que des écrans de fumées; encore que ces derniers ont tous des failles qu’il s’applique à illustrer méthodiquement.

Marina ou la dame au langage pas du tout bridé

Marina Rollman a la langue bien pendue et un tantinet  »tordue ». Elle a toujours vite fait de dénoncer ce qui ne va pas dans la société et ses moeurs parfois en contradiction avec notre époque censée être un peu moins moyenâgeuse. Elle évoque des affirmations et pensées grotesques de certaines personnes pour bien montrer l’absurdité de leurs réflexions.

Dans une de ses chroniques, elle parle notamment d’une  »straight pride » réclamée par un groupe qui dépeint les hétéro comme une majorité opprimée. En guise de contre attaque contre ces intolérants aux lgbt, elle use de sarcasmes pour bien faire comprendre le ridicule de la situation et les coups de gueule infondés et abusifs des personnes hétéronormées.
On entend par là : mais oui, pourquoi pas faire une marche de fierté d’hétéro, tellement qu’ils sont dans un mal être profond à ne plus pouvoir jouir aisément de leur privilège sacré qui les situe dans la norme, ni s’épanouir pleinement à cause de la surabondance à notre époque des lgbt qui occultent leurs malheurs. Mais alors quels malheurs !
En plus de cela, on peut bien percevoir le profond désarroi des conservateurs catholiques qui se sentent envahis par une rafale de gens à la bizarrerie conquérante et dont l’obscur dessein est de voir disparaître l’espèce humaine. Ils y voient une corruption de l’âme et un risque accru pour les jeunes enfant d’être les victimes de cette dangereuse propagande. Ah oui, mais tellement plus dangereuse que les polémiques qui secouent les institutions catholiques.

Comment elle s’habille n’a strictement rien à voir avec le fait qu’une femme soit victime d’agression ou de harcèlement sexuels, et cela n’est en aucun cas la cause essentielle. Marina Rollman nous l’explique clairement dans sa chronique  »violences contre les Femmes » où elle situe bien la part de non responsabilité des femmes quant à nier le pseudo argument de style vestimentaire féminin perturbant, pour justifier les attitudes obscènes de ces messieurs. Attitudes qui persistent étrangement qu’ils soient en face de femmes à la tenue légère ou totalement couvertes.

Bosser ça réclame parfois beaucoup de temps et de don de soi, mais alors bosser dans le tertiaire c’est à dire dans des bureaux, c’est devenu un réel enfermement. Et le pire c’est les captifs qui s’en vantent avec complaisance. C’est à celui qui aura le plus fait de nuits blanches et se sera le plus démener intellectuellement, parfois pour se prouver une valeur, une fierté ou une identité par le travail comme l’affirme Marina Rollman dans sa superbe chronique  »vie de bureau ». On ne s’inquiète plus de faire tourner à nos dépends la roue du capitalisme et on ne s’intéresse plus qu’à la rentabilité de nos actions qui ne nous est finalement pas directement destinée.

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