Parentalité toxique et traumatismes

Article : Parentalité toxique et traumatismes
Crédit: Marc Dupuy/Flickr/CC
18 juin 2021

Parentalité toxique et traumatismes

Quand les repères sur lesquels on a dû se construire ne sont que les ruines d’un amour factice, calculé, intéressé, et même inexistant, on se résigne à ne plus croire en rien. La vie nous semble un vaste champ de tous les impossibles. Une accumulation de viles et malveillantes personnes qui nous attendent à tout coin de rue pour nous faire des misères, les perpétuer, parce que c’est tout ce à quoi on a eu droit. Les mêmes que t’ont fait subir les personnes auxquelles tu t’étais accroché dur comme fer, comme à une bouée de peur de couler dans l’océan de tumultes de cette vie.

Qui a dit que la famille était l’ultime rempart pour un enfant ? Le seul moyen de se bâtir harmonieusement, de s’insuffler un moteur de développement, de devenir des personnes équilibrées, saines d’esprit et dotées une éducation adéquate ? Oh la belle erreur ! Que de croire que les plus sinistres fractures des êtres humains viennent uniquement d’enfants sans foyer familial, ni repères solides pour s’orienter. La cassure peut sillonner tout type de foyers, même ces familles à l’apparence heureuse. Elle vient de partout.

C’est quoi une parentalité toxique?

Les plus brisés émotionnellement, ce sont parfois ceux que vous voyez à l’abri dans leur chaumière, avec ce sourire parfait qu’on leur exige. Jamais le mot de trop. Ils sont ces enfants, la peur au ventre, le silence de l’extérieur mais la révolte au cœur. Ils aimeraient crier leur malheur mais c’est à qui se fera jeter dehors, réprimander à tort ou frapper encore plus fort.

Pression morale, domination mentale, abus physiques, manipulation, chantage affectif, insultes, moqueries, sont souvent les signes distinctifs du parent toxique. Blessures physiques, blessures morales, tout est mélangé, et se déploie toujours en défaveur des enfants. Leur faisant croire qu’ils sont dans un plein processus d’éducation, d’apprentissage, qui tissera plus tard leur devenir et leur bonne interaction en société alors qu’il n’en est rien. Le trauma s’installe progressivement dans leur tête, leur quotidien, sans que ces enfants pour le majorité ne s’en rendent compte, persuadés qu’ils sont aimés d’une certaine manière.

Au fur et à mesure, on assiste à une destruction progressive de l’intérieur, une dégradation de l’état psychologique dues à des colères étouffées, des réponses éteintes, des actes refoulées. Puis quand le temps fera effet dans le meilleur des cas, la limite atteinte, le trop plein d’émotions négatives sera l’élément déclencheur d’une répression violente. L’enfant essaiera de se détacher totalement de ses parents.

Les catégories de parents toxiques

Appréhender le caractère perfide d’un parent n’est pas une tâche aisée, encore plus pour un enfant. On ne saurait s’imaginer une seconde vivre avec quelqu’un qui ne nous voudrait pas du bien au final et qui au lieu de vous recouvrir d’affection, rejette ses propres manques, déceptions et frustrations sur vous. Et pour le coup on encaisse cet état des choses qu’on croit normal et la vie devient un cycle où la victime patauge sans cesse dans les vilenies crasses de son bourreau.

1- Le parent manipulateur
Il est souvent difficile de savoir si on est l’objet d’une attention véritable ou juste un faire valoir pour ses parents. Le parent manipulateur intervient dans plusieurs cas de figures. Il est fier de vous exhiber en société quand vous réussissez brillamment vos études, ou obtenez un poste important. Mais une fois en privé, il vous rabâchera sans cesse que vous n’êtes rien sans lui, et que vous n’auriez rien réussi s’il n’avait pas apporté son soutien financier.

Il s’insère dans votre vie et vous exige reconnaissance et gratitude pour tout ce qu’il a fait pour vous depuis votre naissance. Et si vous osez haussez le ton, la discussion tourne rapidement en injures, parjures, et violences peut être. Il n’est fier de vous que si vous admettez lui être redevable.
En amont il vous aura couvert de cadeaux, d’argent et d’un soi-disant amour. En échange, il essayera toujours de vous dire comment penser, comment agir. Il vous obligera à faire des tâches ingrates, choisira vos fréquentations, et initiera une sorte de dictature mentale.

2- Le parent frustré
Il sait pertinemment que vous êtes tout ce qu’il ne sera jamais. Il sait que vous vivez une meilleure vie que celle auquelle il a eu droit dans son enfance et il s’acharne à vous pourrir la vie. Le parent frustré en veut à son enfant d’être dans une famille, de ne pas manquer à manger, ou encore de faire des études. Il est celui qui a souvent subit beaucoup de galères dans sa jeunesse et qui a trimé pour en arriver à une stabilité. Mais il voudrait faire payer à son enfant d’être né dans un contexte plus favorable. Des mots comme  »tu sais pas c’que ça fait d’avoir faim, tu devrais me remercier de dormir sous ce toit, si t’es pas content ici tu peux te barrer t’es chez moi », sont souvent récurrents.

3- Le parent violent
C’est bel et bien la catégorie la plus populaire et la plus pernicieuse. Elle englobe parfois les deux premières. Cest celui qui déverse sur son enfant toutes ses émotions, et qui ne met aucune limite à ses agissements. Parfois il aura été lui même battu dans son enfance, si bien qu’il rejette ses stigmates sur sa progéniture. Parfois c’est juste un parent dominateur qui veut pousser jusqu’à l’extrême sa domination et son autorité, pensant que ses enfants lui  »appartiennent », qu’ils peut les contrôler totalement et en faire ce qu’il veut.

Conséquences de la parentalité toxique

Grandir dans un environnement émotionnellement précaire en s’adaptant sans cesse aux exigences de ceux qui sont censés nous éduquer peut s’avérer destructeur pour soi. On ne se rend forcément pas compte tout de suite, mais juste quand les retombées apparaissent après avoir atteint un certain âge de maturité, l’âge adulte. La plus grande des peurs sera celle de reproduire les mêmes schémas avec nos enfants. Alors s’en suit soit un laxisme, soit une fermeté trop rude avec nos propres enfants. On ne sait plus trop bien la limite dans les corrections, les punitions, les souplesses, qui interviendront dans leur éducation.

Et avec nous même, on souffre de ne pas avoir eu une famille normale, on aimerait pardonner. On essaiera d’enfouir notre rancœur. Mais aussi et surtout on coupera les ponts sans embarras pour ne plus avoir à refaire les mêmes expériences quand on sait pertinemment que le parent est profondément cruel et qu’il ne changera pas. Notre vie d’adulte devient un cheminement ardu entre le manque de confiance en nous et aux autres, les cauchemars de notre enfance et même des attitudes trop rigides envers notre entourage. On pourra même éprouver de la peur à pouvoir être un jour parent ou pire, à ne pas le désirer.

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