Le jour où je suis devenue féministe

Article : Le jour où je suis devenue féministe
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15 mars 2021

Le jour où je suis devenue féministe

 »Stop aux abus du cishétéropatriarcat, stop aux inégalités hommes/femmes, non au sexisme, non à l’aliénation physique et morale des femmes ». Tous ces slogans qui meublent et composent actuellement les discours féministes et se distinguent dans l’espace public font désormais partie de mon vocabulaire, de mon quotidien. Ils résonnent dans mon existence comme une certitude et un devoir sans fin. Mais cela n’a pas toujours été le cas.

Un passé dans l’inaction et le désintérêt

Il y a des années encore, la notion de féminisme m’était complètement étrangère.
Bien qu’étant une fille biologiquement et socialement, je ne construisais certainement pas mon rapport à ce genre qui me semblait être plus un fardeau qu’autre chose. Je pense bien aux cadeaux piégés de Dame Nature: les menstruations et l’enfantement.

Je baignais dans un océan d’irrégularités sociales, sans me sentir ni concernée, et encore moins affectée. Je ne voulais pas m’intéresser au fait d’être une fille et ce que cela coûte réellement. Je ne voulais pas changer la société. Je ne voulais pas m’ériger en porte parole d’une génération qui se voudrait consciente et engagée. L’engagement, ça n’était pas mon truc, je préférais rester dans le silence, dans l’aveuglement des oppressions omniprésentes ou peut-être même dans un déni total.

Au fond pourquoi aurai je dû y accorder de l’importance ? Ce n’est pas comme si j’étais cette petite fille de neuf ans au Sénégal, qui se ferait mutiler les organes génitaux sur ordre de sa communauté familiale rétrograde et désinformée. Ce n’est pas comme si j’étais cette jeune adolescente de 13 ans au nord du Cameroun, qui se ferait briser son enfance et ravir son innocence par son vieil époux de 65 ans. Ce n’est pas moi la jeune femme en France, qui s’est fait abusée sexuellement par des pompiers de ses treize à quinze ans. Je ne suis pas une de ces femmes battues par leurs maris, ni agressées sexuellement sous couvert d’une union frauduleuse où seule l’emprise d’un époux fourbe, dominant et manipulateur fait régence. Je ne suis pas la petite amie ébranlée d’un macho, qui la rabaisse et l’humilie pour crier sa virilité puissante au monde entier. Je ne suis pas à la une d’un énième fait divers relatant l’épopée monstrueuse d’une femme tuée par son conjoint.

Je ne suis rien de tout cela. Je demeurais juste une auditrice et une spectatrice de ce monde hostile, barbare et cruel envers les femmes. Une auditrice sourde qui veut appliquer la politique de l’autruche, se cacher la tête dans le sable et nier l’évidence même qui accable l’existence de ses semblables.

Prise de conscience brutale

Je ne suis peut être pas une de ces femmes, mais je n’ai pas non plus été épargnée par l’absurdité de certains comportements masculins. Des comportements soutenus et entretenus par une société patriarcale, qui normalise des courants de domination. Et relègue les femmes à des postures inférieures et méprisables. Je ne suis peut être pas une victime au sens propre du terme mais on est toutes victimes, où on l’a été au moins sans le réaliser. Je suis bien celle qu’on siffle dans la rue par des appellations dénigrantes, ponctuées d’un rire impoli pour montrer qu’ils sont  »intéressés ». Je suis bien celle dans mon lieu de travail à qui on donne des tâches soit disant  »féminines », pour éviter de vexer l’autre employé masculin. Il serait trop frustré de nettoyer une paillasse ou de balayer après lui.

Je me rappelle de ce jour, où cet homme a franchi les portes de l’officine où je travaille. Il paraissait calme, serein en paix avec lui-même, sans présager les méfaits dont il venait de se rendre coupable. Il s’avance et me demande des anti-douleurs. Quand je lui demande pour qui sont ils destinés, il m’avoue sans le moindre embarras qu’ils seront pour sa femme qu’il vient juste de tabasser et qu’elle a très mal. Il ajoute en ricanant qu’elle l’a bien mérité et que  »nous les femmes » sommes des personnes qu’on doit dresser à la moindre opposition. Je n’avais jamais ressenti autant de haine pour un être humain. Un puissant et brûlant sentiment de révolte s’empara de moi. Toutes les situations désagréables que j’avais vu, entendu, comparables à celle-ci se mirent à défiler devant mes yeux. Et c’est à ce moment que j’ai réalisé que quelque chose n’allait pas dans cette société. Qu’il fallait que cela change et cesse.

Désormais je suis féministe

On est jamais mieux conscient de la misère des autres que lorsqu’on l’a côtoyée de près. Mais on peut tout aussi bien être conscient sans pour autant faire l’expérience de cette misère.
Devenir féministe c’est déconstruire sa propre réalité mensongère où la société se porte bien telle qu’elle se présente et accéder à une tout autre. C’est remettre en cause les fondements d’un sexe fort et d’un autre faible.

Je suis feministe par solidarité,
parce que je suis une fille et que malheureusement certaines femmes contribuent à nourrir cette dominance et sont persuadées que l’homme reste le maillon fort de la chaîne sociale. Que ses décisions sont irrévocables et pleines de bénéfices pour elles. Parce dans les institutions politiques, culturelles, économiques ne sont représentées que très peu de femmes.

Je suis féministe par amour propre,
parce que je ne veux plus être victime de harcèlement, d’attouchements dans les transports en communs. Ni de traitements injustes dans les services publiques ou privées. Parce que je veux avoir de la reconnaissance pour mon travail et non mes jolies jambes. Parce je veux de l’attention pour mes compétences et non mon maquillage.

Je suis féministe pour les générations futures,
parce que si on ne commence pas dès maintenant à éduquer on finira comme aux siècles d’antan. Parce que le sexisme c’est aussi à la maison où les filles font la cuisine, le ménage, et les travaux d’aiguille. Parce je ne veux pas que mes futurs enfants me ramènent de l’école des discours biaisés où mon fils serait traité de  »pd » s’il est trop sensible. Parce que dans cette société plane également les dictats de la masculinité et exige des hommes trop de courage, de bravoure, de travail et exclut la peur, le découragement et les pleurs.

Je suis féministe par obligation,
parce qu’on devrait tous.tes être féministes. Parce que vivre dans l’inégalité serait être complice de cette entourloupe sociale destinée à briser et assujettir un groupe humain.

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Commentaires

Bah
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Un débat plus que jamais d'actualité, qui nécessite l'effort de tout un chacun. La maison devrait être, avant la société, le lieu idéal pour mettre à nu cette inégalité palpable et de ces stéréotypes qui veulent soutenir que la gente féminine doit toujours être réduites à ce rôle de dernière position. Par contre, j'aimerais bien aussi les exhorter à prendre conscience de leur pouvoir car, comme le dit le proverbe : " Ce que femme veut, Dieu le veut ".