Nadia Yala Kisukidi ou comment je suis tombée amoureuse d’une femme

Article : Nadia Yala Kisukidi ou comment je suis tombée amoureuse d’une femme
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2 août 2020

Nadia Yala Kisukidi ou comment je suis tombée amoureuse d’une femme

Si vous vous attendez à une belle histoire d’amour avec situation initiale chaleureuse, péripéties sur montagne russe et une fin heureuse des plus basiques, haha grosse méprise, dommage.
Néanmoins il s’agit bien d’une histoire d’amour, mais à sens unique, ou plutôt de la découverte d’une femme fabuleuse et de ma fascination à outrance pour elle : la célèbre philosophe Nadia Yala Kisukidi.

Une femme que je trouve juste magnifique autant par son intellect luxuriant que sa grande élégance. Mais les raisons sont encore loins d’être exhaustives. Immergeons au coeur de la vie trépidante d’une femme qui a su allier, maîtrise du langage et connaissance inouïe.

Comment je l’ai remarquée

Une fenêtre ouverte sur youtube, un clic fortuit sur une vidéo, un débat sur le racisme prégnant actuellement et puis une invitée : Nadia Yala Kisukidi. Elle parle calmement, posément mais avec toute la force d’une conviction assumée.
Son désir de persuasion est féroce et sans équivoque. Normal, on a affaire à un discours bien mené, bien étayé et surtout une analyse loin du sophisme et de la trivialité. Il y a là de l’inattendu et de l’insaisissable.

C’est à s’interroger sur notre propre vision du thème débattu et pire, à remettre en question nos propres arguments jusque là jugés justes, impénétrables, indestructibles. Elle écorne vos idées et vous déstabilise viscéralement.
Mes oreilles sont attachées à chaque parole, chaque mot, chaque son. Il y’a comme une force invisible qui m’interdit inconsciemment de ne pas l’écouter. Sa bouche est un puit à paroles innovantes et colonisatrices.

Je ressens comme un vent de renouveau, de réinvention de mes propres réflexions au travers d’angles inexplorés. La sensation est presque euphorique, ascendante, inépuisable. Comment peut on être séduit à ce point avec juste des mots quoique bien pesés et pensés ? Car oui je l’étais, séduite !

Une femme aux paysages hétéroclites

Sa vie se dessine en Belgique où elle nait d’un père congolais et d’une mère franco-italienne. Agrégée et docteure en philosophie Yala suivra également des études de théologie en Suisse et en France où elle est maîtresse de conférences à l’université Paris VIII Vincennes.

Son amour pour la philosophie lui vient de son père opposant au régime de Mobutu en RDC, mais la concrétisation de cet amour se fait en classe de quatrième quand elle découvre les philosophes: Rousseau, Sartre et Beauvoir.
Cette discipline lui apparaît dès lors comme un champ des possibles où seules les questions valables sont posées.
Elle utilisera aussi la philosophie comme arme pour faire écho aux luttes de ses parents, militants gauchistes et anti-racistes. Elle fera sa thèse sur Bergson et est notamment l’auteure de l’ouvrage : »Bergson ou l’humanité créatrice ».

Sa vision de la philosophie et son rapport à l’Afrique

L’héritage militant que lui ont transmis ses parents l’ont poussé à s’interesser aux problématiques du monde non européen.
Cela lui a valu un cheminement des plus âpres durant sa scolarité, se heurtant toujours aux institutions creuses, voire non inclusives.
Et à l’intérieur desquelles les réponses aux questions identitaires liés à sa négritude, sa race africaine ne pouvaient lui être dévoilées que dans des associations ou groupes militants.

Elle s’est vu taxée vivement de communautariste face à son engagement lié à sa couleur de peau, ses origines noires entre autre, qui pour elle définissait autant son existence.
Yala est très axée sur le continent africain et la revalorisation de ce dernier. Son champ de prédilection s’articule autour de la décolonisation des savoirs et de la philosophie.

Décoloniser les savoirs nécessite de se poser trois questions essentielles :
• Qui sont les sujets autorisés à produire les savoirs ?
• Quels sont les objets reconnus comme dignes d’étude au sein des institutions ?
• Où sont produits les savoirs reconnus comme valides, légitimes ?

Par le truchement de ces interrogations, elle vise à briser les digues d’un système où la pensée est concentrée en occident qui en revendique la primauté et surtout l’appartenance.
Décoloniser la philosophie selon elle, serait envisager une réappropriation non européenne de celle-ci, dans le sens où l’expression »philosophie occidentale » s’entendrait comme un pléonasme.
Ou alors apparaîtrait impossible si on part du principe que la philosophie est un indecolonisable et que sa réappropriation non européenne porterait un grand coup aux organisations épistémiques européennes.

Des interventions publiques des plus marquantes

À l’issu du 17e sommet de la francophonie à Erevan, elle s’interroge lors d’un débat télévisé, sur les imaginaires désirables que peut produire la francophonie sur le continent africain, sur la jeunesse africaine.
Elle voit la francophonie comme un outil politique mais plus symbolique dans le cadre d’un nouvel espace d’entente et de réconciliation entre la France et le Rwanda par exemple, où le français n’est plus une langue officielle et la présence française est hostilement contestée.

Elle met en lumière l’urgence de la France de refaçonner sa présence en Afrique grâce à un travail sur son passé et même son présent. Et donc devrait démonter ces propos qui visent à penser que la France utiliserait la francophonie comme une arme post-impérialiste.

De même, dans un autre débat concernant la mobilisation contre le racisme suite à la mort de Georges Floyd, elle s’indigne face au concept de communautariste mis en avant pour qualifier le rassemblement populaire contre cette résurgence du racisme.
Et délegitimer ainsi les demandes de justice et d’égalité car présentées comme enveloppées par la couverture du séparatisme.

Nadia Yala Kisukidi est une femme exceptionnelle à la dimension de Christiane TAUBIRA, par ses idéaux et luttes justes qui m’inspirent énormément, et fascinante par ses discours empreints de lucidité et de vérité impartiale.

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Commentaires

Simon Decreuze
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Moi aussi je suis amoureux désormais ?

Marina Tem
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Haha,c'est qu'on y succombe tous à son charme (✷‿✷)

BABINGUI
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Moi aussi ! étant théologien, je suis fasciné par son élégance philosophique.