Islamo-gauchisme : le politique qui s’infiltre sournoisement dans l’espace académique

Article : Islamo-gauchisme : le politique qui s’infiltre sournoisement dans l’espace académique
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2 mars 2021

Islamo-gauchisme : le politique qui s’infiltre sournoisement dans l’espace académique

Suite aux déclarations ahurissantes de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Frédérique Vidal, concernant les enseignants-chercheurs et leur militantisme diffus au sein des universités, un terme a refait surface. Ce terme désignerait une situation extrêmement dangereuse, palpable dans la société et qui aurait le vent en poupe dans les institutions universitaires françaises : l’islamo-gauchisme.

C’est quoi l’islamo-gauchisme ?

Ce néologisme prend naissance dans les années 2000. Il trouve son fondement dans la lutte propalestinienne marquant la vague antijuive. Pierre-André Taguieff, l’initiateur du terme, défend la théorie selon laquelle il y aurait une conspiration outrageante entre l’extrême gauche et les islamistes radicaux.
Le conflit israélo-palestinien, avec en toile de fond un antisémitisme profond et le voeu de détruire les juifs considérés comme raciste, n’a fait qu’accentuer cette idéologie et celle de l’antisionisme désormais nouvel antiracisme.

Les convergences idéologiques et les alliances militantes entre islamistes et gauchistes dérivaient d’un commun antisionisme radical.

Pierre-André Taguieff, propos tenus lors de son entretien avec le journal Marianne le 19/02/2021

Cette intrusion actuelle du vocable d’islamo-gauchisme dans les universités, décrédibilisant pour le coup les recherches portant sur les études decoloniales, l’intersectionalité ou encore les études de genre, n’est alors qu’un concept remis sur pied pour catégoriser un enseignement par des universitaires, colonisé par des idéologies détestables.
L’islamo-gauchisme naît donc d’une volonté de dénoncer l’association entre des islamistes et militants d’extrême-gauche. Ces derniers se voudraient contre l’universalisme et solidaires à la lutte contre l’islamophobie d’Etat.
Ce que l’extrême-droite juge intolérable et perfide tant les événements terroristes perpétrés contre la France font peser une lourde disgrâce sur l’islam et ses pratiquants. On parle notamment de l’attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo et plus récemment de l’assassinat du professeur Samuel Paty.

Une menace pour la société française ?

La recherche universitaire en sciences sociales pourrait être une menace car certains penseraient que la gauche tolérante serait de connivence avec l’islamisme. Des ennemis de la nation agissant de l’intérieur et formant une collusion avec des ennemis de l’extérieur  »non blancs ».
Mais il ne faudrait pas plonger dans des conclusions qui plairaient aux défenseurs de la laïcité. Ces derniers voulant l’ériger en quatrième valeur de la devise républicaine, selon la forte revendication de Guillaume Peltier lors de son intervention sur France Inter.

Guillaume Peltier sur France Inter, intervenant sur l’islamophobie et les études postcoloniales.

La récurrence des études basées sur la race, le genre, ou le décolonialisme, ne sont que des conceptualisations importantes dans le but de décrire des réalités extrêmement complexes. Telles que le racisme, le sexisme, et globalement toutes les formes de discrimination qui s’imposent dans les sociétés. Le danger perçu par la classe politique résulterait dès lors d’une soif d’éteindre les débats menés autour de ces nouveaux concepts qui fâchent, sous prétexte de protéger l’ensemble des français d’individus nocifs.

Certains chercheurs sont désignés comme une menace morale, mais aussi physique, en ce que leurs travaux seraient une assise idéologique pour des fanatismes meurtriers.

Nadia Yala Kisukidi, propos tenus lors de son entretien avec Jonathan Baudoin pour QG le media libre.

Chasse aux sorcières inutile ou fondée ?

Ce terme prend de l’ampleur dans un climat où on cherche à jeter l’anathème sur les sciences sociales. Cette discipline, qui serait source d’un nouveau terrorisme social. On cherche ainsi à libérer les fantasmes des contempteurs des études postcoloniales/décoloniales, qui s’effectuent de plus en plus dans les universités. Les détracteurs de ces disciplines les trouvent en désaccord avec les valeurs de la République.

La ministre Frédérique Vidal a demandé une enquête sur les différentes recherches effectuées a l’intérieur des universités. Le CNRS a publié un communiqué qui indiquait qu’il était clairement maladroit de tenter de délégitimer les recherches qui s’effectuaient dans de le cadre académique. Ils ont rajouté que l’islamo-gauchisme ne relevait absolument d’aucune réalité scientifique. Mais la journaliste Natacha Polony n’est pas de cet avis et assure qu’il y’a effectivement un mal qui ronge les facultés.

Pour le dire simplement, cette expression désigne quelque chose de précis – la complaisance, jusqu’à l’alliance objective, de nombre de militants gauchistes pour l’islamisme au nom de la défense des musulmans comme minorité opprimée et de la détestation de l’Occident.

Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne

Selon elle, le débat aurait peut-être été mal posé… Mais il reste néanmoins loin d’être accolé à une entourloupe du gouvernement pour détourner l’attention de véritables échecs pour la prise en charge de la misère étudiante. Ce qu’en pense la philosophe Nadia Yala Kisukidi est d’autant plus proche de la réalité que les faits reprochés au enseignants-chercheurs s’en éloignent.

Les attaques contre les études postcoloniales et décoloniales sont des attaques ouvertes contre les universitaires perçus comme des éléments exogènes à la nation qui prennent en charge, dans leurs travaux, le démontage ou l’analyse des formes d’inégalités et de domination qui structurent la France postcoloniale contemporaine. Ils sont, malgré leur appartenance au corps national, clairement désignés comme des ennemis non pas de l’intérieur, mais de l’extérieur (Maghreb, Afrique subsaharienne), auxquels la France, victime de sa générosité, aurait attribué trop de largesses en laissant grandes ouvertes les portes de la méritocratie républicaine.

Nadia Yala Kisukidi, philosophe
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